Terre de Liens Limousin a organisé une réunion publique et contribué à l’enquête publique concernant le projet de création d'un atelier d'engraissement de bovins par la SAS T'RHEA sur les communes de Peyrilhac et Nieul en Haute Vienne (87)
Contexte
Alors que l'enquête publique du projet de ferme de 3 100 bovins à Peyrilhac (Haute-Vienne) se terminait le 12 avril 2024, la Confédération paysanne et l'association Terre de Liens organisaient une réunion publique, le jeudi 11. Riverains, agriculteurs, élus et porteur de projet ont pu s'exprimer calmement. 250 personnes étaient présentes à la salle polyvalente de Peyrilhac une commune de 1 300 habitants.
Contribution Terre de Liens à l’enquête publique
Avec ce projet, le groupe va capter toute la valeur ajoutée, dans une logique de filière intégrée. Les retombées pour l'économie locale seront quasi-nulles, l'exploitation sera assurée par des ouvriers agricoles sans pouvoir de décision. Un modèle intensif qui va épuiser les ressources naturelles et les hommes et qui va à l’encontre de la volonté affichée par l’Etat français d’atteindre la souveraineté alimentaire et de soutenir l’installation de jeunes agriculteurs chefs d’exploitation.
Concernant les impacts environnementaux, ils sont nombreux :
- 2 390 bêtes seront engraissées en simultané sur le site de Chavaignac. Ces bêtes seront en bâtiment et ne verront pas ou quasiment pas les prairies, avec une production hors-norme de fumier alors que le site est localisé proche d'étangs et cours d'eau.
- L'alimentation destinée aux animaux arrivera par camions entiers engendrant un trafic important et des nuisances pour les riverains. Quelles sont les émissions de gaz à effet de serre associées ? Les dégradations des routes induites par le trafic ? Il n’en est pas mention dans le dossier, c’est une lacune.
- Une partie de la ration sera constituée de tourteaux de soja en provenance d'Amérique et d'Argentine. Quelles sont les émissions de gaz à effet de serre associées.
- L'autre partie de la ration sera assurée par des céréales en provenance de Charente, de la Vienne et des Deux-Sèvres. C'est donc un système d'alimentation du bétail complètement hors-sol qui est proposé, à l'exception de 600 vaches qui assureront le pâturage des 605 hectares de surface agricole.
- T'Rhéa a surtout besoin des 605 hectares pour épandre une partie du fumier produit, mais 5 500 tonnes de fumier par an seront acheminées à 30km de Peyrilhac, sur la commune de Saint-Laurent-sur-Gorre, où un projet de méthaniseur est en cours. Là encore, c'est un balai de camions (environ 25 tonnes de fumier par convoi) incessant qui dégradera la voirie.
- Dans la présentation du projet, il est bien indiqué que le méthaniseur ne peut voir le jour sans l'apport de fumier en provenance de la ferme T'Rhéa de Peyrilhac. Inversement, la ferme de Peyrilhac a besoin d'un exutoire pour son fumier. Alors que les deux projets n'ont pas été validés, le GAEC de Saint-Laurent-sur-Gorre et la société T'Rhéa ont d'ores et déjà signé un accord de partenariat : est-ce que tout est déjà fait ? C'est le sentiment qui ressort de la lecture du dossier.
- T'Rhéa affirme réduire les impacts environnementaux (moins d'engrais, moins de pesticides, moins d'émission de CO2) par rapport à l’exploitation de M Thomas. Pourtant, le dossier n'affiche aucuns indicateurs de départ : il n'y a pas d'état zéro pour mesurer l'effort de réduction sur les engrais, sur l'utilisation de pesticides, sur l'émission de CO2. Pas de bilan carbone non plus ! Si rien n'est mesuré au départ, pas de réduction possible, c'est le b.a.-ba.
Notre demande
Puisque les projets de T’Rhéa et du GAEC Cottin sont intimement liés, l’un ne pouvant voir le jour sans l’autre, leurs impacts doivent être évalués ensemble. Nous demandons ainsi que la MRAE soit saisi pour évaluer les impacts environnementaux de ces deux projets de manière globale. Leurs impacts sont liés, c'est gravé dans le marbre par l'accord signé entre ces deux parties et présenté dans le dossier d’enquête publique.
Concernant la question de l'eau
Le projet prévoit la constitution d'une réserve de près d'1 hectare, alimentée par la récupération des eaux de pluies sur les toitures des 10 grands bâtiments existants et du système de drainage des terres. Cette eau servira à abreuver les bêtes et ne bénéficiera donc plus au milieu naturel. La société T'Rhéa affirme que la réserve suffira pour abreuver les bêtes : rien n'est moins sûr avec le réchauffement climatique. Est-ce que le modèle présenté dans le dossier est fiable ? Nous rejoignons les doutes émis par France Nature Environnement Limousin dans sa contribution.
Dans le dossier, T’Rhéa indique : "La possibilité de réaliser le forage est tout de même conservée au cas où un besoin supplémentaire d'approvisionnement en eau se ferait sentir." Compte tenu du réchauffement climatique et du modèle d’élevage intensif du projet, il parait inévitable que le besoin en eau aille crescendo. La probabilité que le forage voit le jour, avec un impact potentiel sur les milieux naturels et in fine sur l'eau potable, est forte.
Ici, T’Rhéa cherche donc à adapter la ressource à son modèle, alors que le modèle devrait être adapté à la ressource pour la préserver.
Concernant la question du foncier
Dans une des pièces jointes du dossier, la société T'Rhéa affirme : "La société T’RHEA sera le propriétaire de tous les sites exploités." La formule est extrêmement ambigüe. Est-ce qu’il s’agit des 605 hectares de terres concernés par le projet ? Uniquement des 56 hectares de M Thomas ? Le doute est permis.
S’il est acté que M Thomas s’engage à céder 56 ha à T’Rhéa, ainsi que les bâtiments de Chavaignac, il n’y a aucune information dans le dossier concernant les 549 hectares de terres restants. Nous avons pourtant identifié une quinzaine de propriétaires de terres agricoles concernés par le projet. Nous savons que certains d’entre eux ne sont pas au courant du projet : Comment est-ce possible ? Comment le porteur de projet, T’Rhéa, peut-il affirmer qu’il aura la maitrise du foncier sur les 605 hectares alors que certains propriétaires ne sont pas au courant et certains sont contre le projet de centre d’engraissement ?
Notre demande
Nous vous demandons de saisir la SAFER Haute-Vienne pour une analyse poussée du dossier. Nous nous tenons à disposition pour vous fournir des informations complémentaires, aux côtés des services de la SAFER.
Nous pensons par ailleurs qu’il est possible de mettre à disposition une partie des terres à des agriculteurs déjà en place pour conforter leur activité, ou bien d’installer de nouveaux paysans. Nous sommes disposés à travailler en ce sens avec les services de la Préfecture, les communes concernées, Limoges Métropole dans le cadre du Projet Alimentaire Territorial. Une vraie démarche pour favoriser l’emploi agricole et l’agriculture nourricière.
Pour en savoir plus :
- Ici l'interview diffusé sur France Bleu Limousin dans le "Grand angle" du 12/04 : https://www.francebleu.fr/emissions/grand-angle/mega-ferme-en-haute-vienne-de-l-agro-industrie-plutot-que-de-l-agriculture-pour-terre-de-liens-limousin-2241717
- Ici, le sujet de France 3 diffusé dans le 12/13 et le 19/20 Limousin le 12/04 ( à 3'12) :