Le lien Terre/Mer, est un sujet trop souvent oublié et pourtant incontournable dans le contexte actuel du dérèglement climatique. La terre nourrit la mer depuis les chevelus en tête de bassin versant jusqu’à l’estuaire. De ce qui se passe depuis l’Aigoual entre Gard et Lozère, en passant par le fin fond du Cantal, mais aussi de l’Ariège ou du Limousin, dépend la santé de nos coquillages sur Oléron.
La région Nouvelle Aquitaine et particulièrement la Charente maritime, sont à la pointe des productions conchylicoles. Première région européenne pour l’ostréiculture, elle assure aussi 20% de la production nationale de moules. La pêche côtière est également un secteur économique très important de notre façade maritime.
De nombreuses familles font vivre et animent, à l’année, bien des secteurs de notre littoral. L’attrait touristique et l’aura internationale de notre région leur doivent beaucoup. Les hommes et les femmes qui jardinent la mer sont les héritiers d’une histoire préhistorique inspirée directement de la chasse pour la pêche et de la cueillette pour les coquillages. Ils et elles ont façonné des paysages précieux pour la biodiversité et bien souvent support promotionnel du tourisme balnéaire estival.
Sans travail de la nature, sans apport d’aliment, sans soin des animaux, ces activités peuvent s’apparenter à l’apiculture par leur dépendance au bon état sanitaire du milieu dans lequel elles s’exercent. Notre savoir faire réside avant tout dans la maîtrise du captage des larves de coquillages sauvages et d’en accompagner la croissance en harmonie totale avec une nature indomptable.
Les métiers maritimes sont les sentinelles de la bonne santé des océans. Nous, paysan(ne)s de la mer, sommes les témoins directs de l’extinction lente de la nature non domestiquée, alors même que jamais autant de règles environnementales n’ont été prises pour la sauvegarder. Nos coquillages nous parlent ! En 2022 et 2023, les sécheresses ont entraîné l’absence de croissance des moules, impactant lourdement la vente des moules de filières en label rouge. L’hiver dernier, l’excès d’eau lié au pluvial a provoqué l’interdiction de vente des huîtres juste au moment de noël dans nombre de bassins ostréicoles. La baisse des ventes se fait encore sentir aujourd’hui. Comment expliquer la fragilité, observée au lavage, des coquilles des moules? Une étude récente a montré que l’intégralité des conserves de thon était contaminée au mercure. Et que dire des nanoparticules de plastique qui ont franchi la barrière cellulaire ?
Des activités terrestres dépend la qualité de l’eau douce. On dit souvent que 80% des pollutions marines sont d’origine terrestre, mais on oublie trop vite que 100% des pollutions terrestres arrivent in fine en mer. Cette réalité souligne deux manières opposées d’appréhender notre rapport avec la nature qui est le support de nos activités. Lorsqu’un paysan de la terre parle de « phyto », il parle de produits chimiques qui sont reconnus nuisibles pour l’environnement, la biodiversité et la santé humaine. Lorsqu’un paysan de la mer parle de « phyto », il fait allusion au phytoplancton, premier maillon de la chaîne alimentaire et producteur des 2/3 de l’oxygène da la planète !
Depuis la nuit des temps, l’eau transporte les nutriments qui nourrissent l’océan. La gestion qualitative et quantitative des apports d'eau douce impacte les inter actions qui viennent perturber les équilibres estuariens, berceaux des zones de frayères et de nurseries de la faune marine. Cette gestion doit s’attacher à inscrire comme priorité dans la conscience des décideuses et des décideurs, aménageurs et autres utilisateurs.trices, le respect absolu du rythme naturel du cycle de l’eau. La surchauffe des océans, liée au dérèglement climatique, n’est pas la seule inquiétude. IFREMER étudie les effets toxiques possibles des pesticides sur la génétique, l’immunologie et la reproduction des coquillages.
Le rôle des zones humides est primordial, comme interface entre l’eau douce et l’eau salée. Ce sont des zones tampons, de stockage durant les périodes d’excès, de filtration et d’épuration de l’eau douce garantissant la bonne qualité du milieu marin. Il n’y a pas une goutte d’eau qui n’ait son utilité dans la nature. Il n’y a pas de gaspillage acceptable. Il n’y a pas d’eau perdue lorsqu’elle part à la rivière
La suite de l'article de Jean François Pégigné, paysan de la mer, à retrouver fin décembre dans notre nouvelle brochure dédiée à l'alimentation !