Nouvelle-Aquitaine Initiative pour une agriculture
Citoyenne et Territoriale

Le Mercredi 30 Novembre nous organisions une soirée Ciné Débat au Cinéma CGR de Périgueux pour parler accessilibité et précarité alimentaire, en partenariat avec Agrobio Périgord et le Pays de l'Isle en Périgord.

Le documentaire « La Part des Autres » de Jean-Baptiste Delpias et Olivier Payage parle de l’accès de tous à une alimentation de qualité et durable. Le film a été réalisé dans le cadre du projet de recherche-action « Accessible », porté par le réseau Civam de 2015 à 2019.

Un double appauvrissement

En 1960 une promesse a été faite aux femmes et aux hommes de ce pays : celle de les nourrir tous de manière satisfaisante. Cette promesse, le complexe agro-industriel construit pour moderniser l’agriculture ne l’a pas tenue. C’est un double appauvrissement que l’on observe aujourd’hui, celui des producteurs et celui des consommateurs. Plus que jamais l’alimentation, qui est au coeur des échanges humains, possède cette capacité à inclure et à exclure. Elle trace une frontière intolérable entre ceux qui ont le choix et ceux pour qui l’alimentation est source d’angoisse et de honte.

Les pieds dans les champs céréaliers de Quentin ou la garrigue de Nathalie, au détour d’une discussion sur la bonne nourriture avec David, dans le quartier de Keredern à Brest ou auprès des bénévoles et dans les files d’attentes de l’aide alimentaire, La Part des autres pose le regard sur une multitude de situations vécues. Ces situations réunies permettent de questionner le système agricole dans son ensemble, jusqu’à imaginer une sécurité sociale de l’alimentation. 

Pourquoi un ciné débat ?

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Le cinéma permet d’éveiller son esprit critique, de découvrir des univers différents de ceux que l’on connait, d’aborder sous forme de loisirs et de distraction des problématiques sociétales. C’est un moyen qu’on privilégie au sein du Réseau pour aller à la rencontre des citoyens, des consommateurs, pour créer du lien social, pour sensibiliser un public aux causes que l’on défend, pour exprimer nos convictions.

Nous souhaitions à travers cette soirée questionner le système agricole dans son ensemble. Nous avons donc proposé après le visionnage un temps d’échange pour discuter avec le public des enjeux qu'exposent le film. Pour cela nous avons invité à témoigner Dominique Leconte (Paysan céréalier et élu du Pays de l'Isle en charge du PAT), Leïla Saadi (de l’association Le Cabas) et Jean-Christophe Chaudemanche (de la Maison 24).

Une soixantaine de personnes ont participé à cette soirée, et les échanges ont été riches.

bande annonce

Les idées impactantes du film à retenir :

  • Sans aides, tout le système agricole et alimentaire s'effondre
  • Les aides sociales sont indispensables mais insuffisantes : 1 paysan sur 3 vit avec moins que les minima sociaux
  • Aucune évaluation de l'efficacité de la politique agricole commune (PAC) n'a été faite depuis sa mise en place en 1962
  • Les systèmes agricoles et alimentaires sont étroitements imbriqués, on ne peut changer ni faire évoluer l'un sans l'autre
  • 12% de la poluation française sont en situation de précarité alimentaire
  • 17 millions de français se déclarent insatisfaits de ce qu'ils mangent
  • L'aide alimentaire créé au départ comme une politique d'urgence est devenue une politique structurelle qui fait partie du mode de production et de consommation. Elle est devenue une variable d'ajustement de la production industrielle.
  • 8 millions de français en bénéfient occasionnellement et 3,5 millions quotidiennement
  • Dans une baguette de pain d'un euro, 6 centimes seulement reviennent au paysan, et 2 centimes seulement rémunèrent vraiment son travail
  • Le prix de l'alimentation est resté le même pendant que le prix payé au producteur à été divisé par deux en 40 ans
  • Le gaspillage alimentaire pèse 10 millions de tonnes par an.

Sécurité Sociale de l’alimentation

Sans titreL’exemple de la sécurité sociale de santé, nous semble particulièrement pertinent pour penser conjointement l’accès de tous à une alimentation choisie et de qualité avec un contrôle démocratique sur les conditions de production. Le financement de la sécurité sociale, basé sur un mécanisme de cotisation, nous semble pertinent à généraliser pour partager la richesse produite en vue de l’accès aux besoins fondamentaux.

Prenons un budget de 150 € par personne et par mois, réservé à l’achat d’aliments conventionnés. Cette somme n’aurait pas comme vocation de couvrir la totalité des dépenses alimentaires (la moyenne des dépenses mensuelles par personne en France étant autour de 220 €), mais bien de faciliter l’accès de l’ensemble de la population à des produits choisis collectivement. Pour les personnes précaires, cela revient à une augmentation sensible de leurs budget alimentaire mensuel, qui est autour de 100 €.


À l’échelle de la France, la sécurité sociale alimentaire représenterait 120 milliards d’euros, soit moitié moins que l’assurance maladie, et pourrait être alimentée par des cotisations sociales à taux progressif, selon les revenus. La sécurité sociale de santé a été créée à un moment où la France était ruinée ; on peut décider aujourd’hui d’instaurer 12,6 % de cotisation sur chacun de nos salaires bruts. On peut aussi envisager de le faire sur les cotisations patronales, ce qui garderait des salaires nets identiques (augmentation du brut). Ou bien récupérer cet argent ailleurs : 120 milliards, cela correspond à un tiers des revenus de la finance qui sont exempts de toute cotisation. Les sources de financement sont à définir collectivement, mais nous partons d’un déjà-là, nous savons que c’est possible.

Pourquoi ne pas simplement augmenter les minimas sociaux et le SMIC pour permettre l’accès de tous et toutes à une alimentation de qualité ?

Même si ces augmentations nous semblent indispensables, ce type de proposition ne nous semble pas du tout prendre en compte la mesure des enjeux alimentaires :

  • Premièrement, la société de consommation et le développement du système industriel ont cherché depuis des années à réduire la part de l’alimentation dans le budget des Français pour leur permettre de consommer d’autres produits. L’alimentation est toujours une dépense « d’ajustement » pour les personnes en situation de précarité. Avec plus de pouvoir d’achat, mais des inégalités persistantes et la pression de la société de consommation qui impose un niveau
    de dépense contraint pour être intégré (hausse des loyers, obsolescence programmée et course à la technologie qui exclut ceux qui ne consomment pas…), il y a fort à parier que l’alimentation reste la variable d’ajustement pour gérer le budget. Cette hausse du SMIC ou des minimas sociaux sonnerait comme un cadeau pour le système productiviste. Les comportements alimentaires ne pourraient évoluer, ce qui ne répondrait pas aux enjeux sanitaires et écologiques
    ni à la mise en place du droit à l’alimentation.
    Démonétariser, sanctuariser un budget alimentaire pour l’ensemble de la population est le seul moyen pour assurer que la population soit correctement nourrie.
  •  Augmenter simplement les revenus, c’est penser traiter individuellement la question de l’alimentation, sans se donner les moyens de déconstruire collectivement notre rapport à la production agricole. Cela revient à laisser les enjeux de revenu des agriculteurs et de respect de l’environnement au bon vouloir de la responsabilité individuelle des consommateurs. À l’opposé, l’idée de sécurité sociale alimentaire participe à faire de l’alimentation un Commun.

Plusieurs fiches ressources thématiques sont à retrouver sur le site du Civam. Pour en savoir + cliquer ici.

fiches ressources