Depuis 2020, Mètis participe à la diffusion d’un pain de qualité sur les territoires girondins et lot et garonnais en mutualisant la conservation/multiplication/sélection des semences paysannes de blés, et en transmettant les savoir-faire relatifs à la transformation en conditions artisanales de ces blés (meunerie et boulange).
Les membres de Mètis, majoritairement des paysans et des artisans boulangers sont mus par la recherche d’autonomie à la fois dans leur métier - reprendre la main sur une parties des facteurs de production - et dans leur territoire - relocaliser la production de denrées alimentaires de base.
Mélange Mètis
Concrètement, un mélange collectif d’une centaine de variétés populations de blés tendres adaptées au contexte local (« mélange Mètis ») a été créé et continue à être sélectionné collectivement afin d’améliorer ses qualités au champ comme au fournil. L’idée est de disposer d’une large base génétique pour que le mélange s’adapte aux différentes fermes en agrobiologie, ainsi qu’aux aléas climatiques. En parallèle, d’autres variétés paysannes présentant des intérêts agronomiques et/ou meuniers sont en cours de multiplication pour intégrer le mélange et un protocole collectif de sélection massale a été mis en place. A l’instar de la centaine de blés paysans qui le composent, le mélange Mètis se caractérise par des glutens beaucoup moins tenaces que ceux présents dans les blés issus de sélection moderne : couplée à des panifications au levain naturel, cette caractéristique, qui est un handicap pour l’industrie boulangère, produit des pains beaucoup plus digestes. Des études ont aussi montré que certains blés paysans semblent plus riches en nutriments que les blés modernes.
La mouture de ces blés s’effectue sur des moulins à meule de pierre, le plus souvent de type Astrié, adaptés à une échelle paysanne de production. Ces petits moulins électriques permettent l’obtention d’une farine bise contenant le germe ainsi qu’une partie des enveloppes. Ces composantes du grain contiennent des fibres et de nombreux nutriments qui deviennent biodisponibles dans un pain au levain. L’alliance semences paysannes de blé, moulin à meule de pierre et panification au levain permet donc de produire un pain local riche en nutriments et digeste.
Mètis explore actuellement de nouvelles espèces de céréales (mils, millets, panis, sorghos...) qui pourraient s’intégrer dans de tels systèmes de production. Ces espèces ont en effet un potentiel agronomique et alimentaire intéressant notamment au regard de leur tolérance à la sécheresse et à leurs caractéristiques nutritionnelles.
Témoignage de Marion Duquesne, boulangère
La boulangerie coopérative d'Uzeste fait partie du collectif Mètis depuis son création il y a 3 ans. On a tout de suite fabriqué du pain au levain avec des farines bio issues de semences paysannes de nos voisins paysans meuniers et on a construit un four à bois. Tous ces choix nous semblent cohérents car la gestion en coopérative et les semences paysannes ont des valeurs communes : encourager l'autonomie. L'essentiel est de connaître et prendre en compte les enjeux de la culture des blés paysans au niveau technique et socio-économique. Il faut aussi se réapproprier les savoir faire artisanaux pour transformer ces blés paysans artisanalement en pain de qualité.
Marion Duquesne, boulangère (boulangerie coopérative d’Uzeste et membre du conseil collégial de Mètis)
Témoignage de Frédéric Latour, animateur
Malgré la faible productivité relative des blés paysans, il y a un alignement de planètes dans ces systèmes de production: l’alliance semences paysannes, mouture et fournil à la ferme permet d’échapper en grande partie au dumping à l’œuvre sur les prix et donc d’avoir un revenu digne tout en fournissant un produit de très bonne qualité à un prix raisonnable. Le pain bio aux blés paysans ne dépasse pas le prix d’une baguette tradition non bio. Nous sommes conscients que cet alignement des planètes n’est pas possible dans d’autres productions. Aujourd’hui, c’est la question centrale en agriculture: comment produire une alimentation de qualité à un prix juste pour le paysan et non prohibitif pour les classes populaires ?
Frédéric Latour, animateur (collectif Mètis)
Chiffres clés
- 2 tonnes de blé tendre (rendement moyen des blés paysans dans notre zone) = 400 euros sur le marché conventionnel. 2 tonnes de grain trié = 2 tonnes de pain à 5 euros le kg soit 10 000 euros de produits.
- 75 % de la biodiversité cultivée a disparu en 50 ans. Au semis 2023, 10 variétés de blé tendre occupaient plus de 40 % des surfaces emblavées en France. L'Association nationale de la meunerie française a recensé 197 variétés de blés meuniers conseillées pour ces mêmes semis. En comparaison, plus de 300 variétés de pays ont été collectées rien qu’autour de la ville de Redon au début des années 50.
- 50 % du blé français part à l’export